
Après avoir marqué l’histoire en 2023 avec le lancement du tout premier stablecoin euro émis par une banque (l’EURCV), SG Forge la filiale crypto du groupe Société Générale s’apprête à passer un nouveau cap. Selon nos informations, l’entreprise travaille activement au lancement de son propre stablecoin adossé au dollar américain, une initiative inédite à l’échelle mondiale pour une institution bancaire, y compris aux États-Unis.
Contrairement à JP Morgan, qui propose déjà une version numérique du dollar mais strictement cantonnée à un usage interne, SG Forge entend proposer un stablecoin pleinement opérationnel sur des blockchains publiques. Le lancement est prévu dans les prochaines semaines, en commençant par Ethereum, avant un déploiement progressif sur d’autres réseaux comme Solana.
Interrogée à ce sujet, SG Forge n’a pas souhaité faire de commentaire.
Ce nouveau stablecoin, destiné en priorité aux acteurs institutionnels, positionne la filiale française comme un acteur sérieux sur le marché très convoité des stablecoins dollars au sein de l’Union européenne. Grâce à sa licence d’établissement de monnaie électronique, SG Forge dispose des autorisations nécessaires pour émettre un stablecoin dollar dans l’UE, au même titre que des géants comme Circle (USDC).
« C’est une avancée majeure de voir un acteur européen s’insérer dans la course aux stablecoins dollars, surtout dans un contexte aussi stratégique pour l’Union », observe un spécialiste du secteur.
Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique globale portée par les grands noms du paiement. Mastercard multiplie les intégrations de stablecoins sur son réseau et a récemment noué un partenariat avec Moonpay pour faciliter leur usage dans le commerce traditionnel. De son côté, Visa développe des cartes compatibles avec ce type d’actifs, tandis que Stripe propose désormais des comptes en stablecoins pour les entreprises.
SG Forge ne tourne pas pour autant la page de l’EURCV. Le stablecoin euro reste au cœur de sa stratégie, bien que son adoption reste freinée par des obstacles réglementaires. Une source interne admet : « Le développement de l’EURCV prend plus de temps que prévu, notamment à cause du cadre européen MiCA ».
Le contraste entre les deux marchés est saisissant : les stablecoins libellés en dollars pèsent près de 250 milliards de dollars, contre à peine 300 millions d’euros pour ceux libellés en euros. L’EURC de Circle domine largement ce segment avec environ 210 millions d’euros, loin devant l’EURCV de SG Forge, qui dépasse tout juste les 40 millions d’euros, malgré sa présence sur Ethereum et Solana.
Pour de nombreux professionnels du secteur, le cadre réglementaire européen MiCA constitue un frein majeur. « Il faut une régulation, mais telle qu’elle est conçue aujourd’hui, elle bloque l’essor des stablecoins en euros », déplore un fondateur de projet Web3 basé en Europe.
L’exemple le plus parlant reste celui de Tether. Leader mondial incontesté avec 63 % de part de marché, l’émetteur de l’USDT a récemment décidé de se retirer du marché européen, citant les contraintes imposées par MiCA. Paolo Ardoino, PDG de Tether, a plusieurs fois alerté sur le risque réglementaire, pointant notamment l’exigence de conserver une large part des réserves dans des banques un facteur jugé incompatible avec la gestion actuelle de leur modèle.
