L’arrivée de Sanae Takaichi comme potentielle Première ministre du Japon marque un moment à la fois historique et paradoxal, mais surtout, un tournant pour les marchés financiers.

Historiquement, c’est une première pour un pays encore très en retard sur l’égalité hommes-femmes. Politiquement, pourtant, c’est tout sauf une révolution progressiste : Takaichi vient de l’aile la plus conservatrice du Parti libéral-démocrate, héritière directe de Shinzo Abe.
Nationaliste, rigoureuse et attachée à une vision très traditionnelle de la société, avec un fond idéologique clairement ancré à droite.
Le retour de l’esprit “Abenomics”
Sur le plan économique, Takaichi veut raviver la doctrine Abenomics : une combinaison d’assouplissement monétaire, de relance budgétaire et de réformes structurelles.
Elle prône une croissance “responsable”, sans rupture avec la ligne historique, une forme de keynésianisme tempéré, où l’État continue de soutenir la demande mais sans explosion du déficit.
Dans les faits, cela signifie une Bank of Japan toujours prudente, maintenant les taux bas tant que la reprise ne sera pas solidement ancrée.
Résultat prévisible : un yen structurellement faible.
Les écarts de taux avec les US et l’Europe resteront massifs, et les investisseurs continueront d’utiliser la devise japonaise pour le carry trade, emprunter en yen à faible coût pour investir dans des actifs mieux rémunérés ailleurs.
Carry trade ?
Le carry trade, c’est quand un investisseur emprunte dans une devise à taux bas (comme le yen) pour investir dans une devise à taux plus élevé (comme le $) et profiter de la différence de rendement.
Tant que le yen reste faible et les taux japonais bas, ça injecte de la liquidité mondiale et soutient les marchés.
Mais si le yen remonte trop vite, les investisseurs doivent rapatrier leurs fonds, ce qui peut provoquer un retournement brutal des marchés.
Un mécanisme qui soutient les marchés mondiaux
Tant que la Bank of Japan reste dovish, le Japon exporte littéralement de la liquidité mondiale.
Les investisseurs japonais empruntent en JPY, placent dans les Treasuries américains, dans le crédit européen ou sur les actions globales.
Cette mécanique soutient le risk-on global, compresse les spreads de crédit, et maintient un environnement favorable pour les actifs risqués.
Mais cette dynamique est aussi une lame à double tranchant :
si le yen plonge trop vite (au-delà de 160 contre le $), les investisseurs japonais pourraient rapatrier leurs capitaux.
Ce serait un retrait brutal de liquidité mondiale, comme en 2022, avec des tensions sur les taux longs américains et une correction des marchés.
Un équilibre instable
À court terme, le tandem USD/JPY et S&P 500 restera soutenu par le carry trade.
Mais à moyen terme, si la normalisation monétaire japonaise arrive trop tard, c’est le risque de reflux, une inversion brutale du flux de liquidité mondiale.
