Une OP financière récente fait pas mal de bruit. Elle ne concerne pas une fusion bancaire classique ou un rachat dans la tech traditionnelle, mais une manœuvre sophistiquée orchestrée par un acteur majeur de la finance décentralisée (DeFi) : Hyperliquid.
L’annonce est officielle : les actionnaires de Sonnet BioTherapeutics, une société de biotechnologie cotée au Nasdaq, ont approuvé la fusion avec Hyperliquid Strategies.

Cette opération n’est pas une simple acquisition. C’est une porte dérobée, une stratégie financière astucieuse qui permet à Hyperliquid d’entrer sur le plus grand marché boursier du monde, le Nasdaq, sans passer par la porte d’entrée habituelle.
Décryptage d’une « fusion inversée » (reverse merger) qui pourrait redéfinir les liens entre la DeFi et la finance traditionnelle (TradFi).
Quand la bioTech sert de véhicule à la crypto
À première vue, le mariage entre une société de biotechnologie (Sonnet) et un protocole de trading décentralisé (Hyperliquid) semble contre-nature. Pourtant, dans cette opération, l’activité originelle de Sonnet importe peu.
Ce qui compte, c’est son statut : Sonnet BioTherapeutics est une société cotée en bourse aux US, soumise à la réglementation de la SEC (le gendarme boursier américain) et disposant d’un accès direct aux investisseurs du Nasdaq.
En fusionnant, Hyperliquid Strategies « absorbe » cette structure cotée. L’entité résultante change de nom, de direction et d’objet social pour se concentrer sur les activités d’Hyperliquid.
Qu’est-ce qu’un « Reverse Merger » ?
Pour comprendre le génie de l’opération, il faut saisir le concept de « fusion inversée » ou reverse merger.
La voie classique : L’IPO (Initial Public Offering)
Traditionnellement, pour entrer en bourse, une entreprise privée doit lancer une IPO. C’est un processus :
- Long : Il faut souvent 6 à 18 mois de préparation.
- Coûteux : Frais d’avocats, auditeurs, et surtout les commissions des banques d’affaires qui organisent l’opération.
- Complexe : L’entreprise est passée au crible par la SEC et doit convaincre les investisseurs lors de « roadshows ».
La voie rapide : Le Reverse Merger
Dans une fusion inversée, la logique est retournée. Une entreprise privée (ici, Hyperliquid Strategies) qui souhaite entrer en bourse rachète une entreprise déjà cotée mais souvent peu active ou en difficulté (ici, Sonnet).
L’analogie immobilière : Imaginez que vous vouliez construire une maison (votre entreprise) dans un quartier très prisé (le Nasdaq).
- L’IPO, c’est acheter un terrain nu, obtenir tous les permis de construire, faire valider les plans par la mairie, et construire la maison de A à Z. C’est long et incertain.
- Le Reverse Merger, c’est acheter une vieille maison déjà existante dans le quartier. Vous gardez l’adresse (la cotation en bourse), mais vous rénovez totalement l’intérieur pour qu’il corresponde à votre projet.
Hyperliquid a donc acheté une « coquille cotée » pour s’y installer immédiatement.
Pourquoi c’est une stratégie smart pour Hyperliquid ?
Cette manœuvre offre des avantages stratégiques considérables pour un acteur de la DeFi :
- Rapidité d’exécution : Hyperliquid devient une société cotée en quelques mois, évitant la lourdeur administrative d’une IPO.
- Validation Institutionnelle : Être coté au Nasdaq offre une légitimité immédiate. Cela signale au marché que l’entreprise est prête à se conformer aux exigences de transparence et de gouvernance d’une société publique américaine.
- Accès aux capitaux : Une fois cotée, la nouvelle entité peut lever des fonds plus facilement en émettant de nouvelles actions sur le marché secondaire.
Le résultat, un pont inédit entre DeFi et TradFi
C’est ici que l’opération devient fascinante pour l’ensemble de l’écosystème financier.
La nouvelle entité cotée, Hyperliquid Strategies (dont le ticker boursier sera probablement PURR) ne sera pas une entreprise « classique ». Son bilan sera composé d’un actif très particulier : une trésorerie massive en jetons HYPE, le token natif du protocole Hyperliquid.
L’enjeu pour les investisseurs traditionnels
Jusqu’à présent, de nombreux fonds de pension, gestionnaires d’actifs ou family offices ne pouvaient pas investir dans Hyperliquid. Leurs mandats de gestion leur interdisent souvent d’acheter directement des crypto-monnaies ou des tokens sur des plateformes décentralisées, jugés trop risqués ou non régulés.
Avec cette opération, le problème est contourné :
- L’investisseur achète une action Nasdaq (PURR), parfaitement régulée et accessible via son courtier habituel.
- La valeur de cette action est intrinsèquement liée au succès du protocole Hyperliquid et à la valeur de sa trésorerie en jetons HYPE.
Hyperliquid vient de créer un produit financier « proxy » : une action traditionnelle qui permet de s’exposer à la performance d’un protocole DeFi de premier plan, sans jamais avoir à toucher un portefeuille crypto.
