Les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine entrent dans une nouvelle phase stratégique, avec un nouveau round de négociations crucial à Londres. Au cœur des échanges : les minerais de terres rares, les technologies de pointe et un fragile équilibre géopolitique.

Une reprise attendue… mais sous tension
Ce lundi 9 juin 2025, les délégations américaine et chinoise se retrouvent à Londres pour poursuivre les discussions commerciales entamées à Genève en mai dernier. Objectif affiché : désamorcer les frictions persistantes entre les deux géants, en particulier sur les exportations chinoises de terres rares et les restrictions américaines sur les technologies sensibles.
L’enjeu est de taille. Les terres rares (éléments indispensables à la fabrication d’équipements high-tech, de véhicules électriques ou de dispositifs militaires) sont largement contrôlées par la Chine, qui domine plus de 60 % de leur production mondiale. Depuis la dernière rencontre à Genève, Pékin avait ralenti les exportations, provoquant un tollé à Washington.
Des minerais stratégiques au cœur du conflit
Les États-Unis reprochent à la Chine d’avoir délibérément retardé l’octroi de licences d’exportation, mettant en péril leurs chaînes d’approvisionnement. Pékin, de son côté, invoque des « ajustements réglementaires » tout en accusant Washington de créer un climat hostile, notamment avec les restrictions imposées sur les semi-conducteurs et les visas étudiants chinois.
La reprise du commerce des terres rares, bien qu’amorcée partiellement, reste un point de blocage. L’administration Trump exige un retour aux niveaux d’exportation observés avant avril, sans nouvelles barrières techniques. Le conseiller économique Kevin Hassett a insisté sur le fait que ces ressources ne peuvent pas être utilisées comme « armes économiques » dans un contexte de rivalité stratégique.
Qui est autour de la table ?
Les discussions sont menées, côté américain, par le secrétaire au Trésor Scott Bessent, le secrétaire au Commerce Howard Lutnick et le représentant au Commerce Jamieson Greer. En face, la Chine est représentée par le vice-Premier ministre He Lifeng, figure clé de la politique économique du pays.
Si l’atmosphère se veut constructive, les rancunes sont tenaces. L’accord de Genève, signé le mois dernier, avait permis une suspension temporaire de certains droits de douane mais les désaccords sur les technologies stratégiques n’ont pas disparu.
Export controls, puces IA et moteurs d’avion
Parmi les sujets sensibles figure le maintien par les États-Unis de restrictions sur l’exportation de technologies critiques : puces d’intelligence artificielle, systèmes d’aéronautique, logiciels embarqués… Ces mesures, justifiées par des raisons de sécurité nationale, irritent fortement Pékin.
En retour, la Chine évoque des « actes discriminatoires » de la part de Washington, accusé de bloquer des investissements, de suspendre des visas et d’entraver la coopération universitaire.
Trump et Xi en coulisses
Le président Trump, récemment réinvesti dans les discussions commerciales, a eu un échange téléphonique avec Xi Jinping le 5 juin. Il s’est dit « prudemment optimiste » quant à une sortie de crise, tout en rappelant que seul un engagement présidentiel direct pourrait débloquer la situation.
Scott Bessent abonde dans ce sens : « C’est entre Trump et Xi que se joue la véritable avancée. Les techniciens peuvent avancer, mais sans validation politique, aucun accord n’ira au bout. »
Quelles conséquences pour les marchés mondiaux ?
Depuis l’accord temporaire de Genève, les marchés ont connu un léger rebond, rassurés par la perspective d’un apaisement. Mais la volatilité reste forte : tout échec dans la phase de Londres pourrait faire ressurgir les craintes d’une guerre commerciale totale.
Les secteurs directement concernés sont multiples : automobile, aérospatial, défense, high-tech… Tous dépendent de matières premières critiques et de technologies avancées. Dans tous les cas, ce que l’on peut affirmer, c’est qu’un blocage prolongé aurait un impact massif sur les chaînes logistiques et les prix mondiaux.
Ce que l’on peut attendre de Londres
Trois scénarios sont sur la table :
– Un accord de principe renforçant celui de Genève, avec des garanties sur les terres rares.
– Une impasse, qui relancerait les tensions, avec un retour des hausses tarifaires.
– Un deal partiel, qui temporise sans régler les désaccords structurels (comme souvent depuis 2018).
Dans tous les cas, les prochaines heures seront scrutées de près par les marchés, les analystes et les gouvernements. Car derrière les minerais, ce sont deux visions du monde qui s’opposent : une économie ouverte contre un capitalisme d’État tourné vers l’autosuffisance technologique.
