Blockchain modulaire ? Monolithique ? C’est quoi tout ça ?
Si vous connaissez le principe de la blockchain, vous devez également connaître son antagoniste : le “trilemme”. Ou comment faire cohabiter parfaitement la décentralisation, la scalabilité et la sécurité ? Ce trilemme est au cœur des débats techniques depuis Ethereum 1.0 jusqu’à Solana, Starknet et les toutes dernières blockchains modulaires.
Aujourd’hui, deux modèles d’architecture s’opposent dans leur vision du scaling : la blockchain monolithique, comme Solana, et la blockchain modulaire, dominées par Ethereum et son écosystème de rollups.
Pourtant, bien que ces deux concepts dominent l’écosystème et servent de référence à quiconque souhaite construire sa propre blockchain, ils restent encore méconnus du grand public. C’est pourquoi nous allons voir ce qui les distingue, quels compromis ils impliquent, et surtout, ce qu’ils nous disent sur l’évolution des infrastructures Web3.

Blockchain monolithique : tout-en-un, à la Solana
Avant de commencer, voici une rapide définition du concept de blockchain monolithique : une blockchain monolithique est construite de sorte que tout soit regroupé au même endroit : elle gère les transactions, valide les blocs et stocke les données. Ce modèle est rapide et simple, car toutes les applications fonctionnent sur la même base, ce qui permet un accès direct et instantané aux informations partagées.
Solana incarne cette philosophie avec son parallélisme d’exécution (Sealevel), sa machine virtuelle optimisée (SVM) et sa scalabilité élevée (65k+ TPS). L’architecture est ultra-performante, mais centralise davantage certains points (nœuds exigeants, archives centralisées, etc.).
La blockchain modulaire : diviser pour mieux régner
Dans une architecture modulaire, les fonctions fondamentales sont séparées et confiées à des couches spécialisées :
- Consensus + sécurité : Ethereum L1
- Exécution : rollups (Optimism, Arbitrum, zkSync, Starknet)
- Disponibilité des données : Ethereum ou des DA layers comme Celestia
Ce modèle permet une scalabilité horizontale : chaque rollup peut innover sur son exécution, ses frais, sa gouvernance. Bien que plus complexe, ce système rend Ethereum plus sécurisé et plus modulable que Solana (ce qui lui évite de planter 15 fois par an, par exemple)
Cependant, cela rend Ethereum moins performant et donc plus cher comparé à Solana.
Avantage et défaut
Du côté monolithique, comme Solana, la force principale réside dans une latence extrêmement faible. Avec la mise à jour “Alpenglow” et son architecture optimisée, la finalité des blocs sera bientôt de l’ordre de 100 à 150 millisecondes, contre 12,8 secondes actuellement. Cette performance est rendue possible grâce à une centralisation de toutes les fonctions (exécution, consensus, disponibilité des données) sur une seule couche, ce qui permet d’atteindre un débit très élevé, dépassant les 100 000 transactions par seconde dans des conditions optimales.
En revanche, un aspect souvent pointé du doigt par la communauté est que, bien que très performant, ce type d’architecture reste très centralisé. En effet, les exigences matérielles élevées pour opérer un nœud complet, ou encore la centralisation du stockage historique, sont régulièrement critiquées. Actuellement, Solana compte environ 1 500 validateurs répartis dans 37 pays (pour une blockchain de cette taille, c’est peu, très peu…).
En matière d’expérience utilisateur, Solana est largement en tête : rapidité, faible coût, simplicité d’usage. L’infrastructure est également plus simple à maintenir, sans besoin de bridges ou de gestion multi-chaînes. C’est l’une des raisons pour lesquelles ce type de blockchain est tant apprécié des nouveaux utilisateurs. Faire de la DeFi sur Solana, c’est facile : il vous suffit d’avoir du $SOL. Ce qui n’est malheureusement pas le cas partout…
À l’opposé, le modèle modulaire porté par Ethereum repose sur une séparation des tâches. Cette approche permet une plus grande décentralisation, puisque chaque couche peut être optimisée indépendamment et renforcée en sécurité. Actuellement, Ethereum compte environ 1m de validateurs actifs.
Mais elle introduit des délais supplémentaires, notamment à cause des preuves de validité (proofs) et des délais de finalité. Le débit dépend fortement du rollup utilisé et de la couche de disponibilité des données. Si elle se retrouve saturée en cas de forte demande, j’espère que vous avez quelques ETH de disponibles pour les frais.
La composabilité devient ici “asynchrone”, c’est-à-dire que les applications sur différents rollups ne peuvent pas toujours interagir facilement ou en temps réel. Cela ralentit les échanges et rend l’expérience utilisateur moins fluide qu’avec une blockchain monolithique. De plus, l’infrastructure est plus complexe, avec de nombreux outils à gérer comme les bridges ou les séquenceurs. Si vous avez déjà fait de la DeFi sur Ethereum et transféré des fonds entre différents protocoles, ce problème doit vous parler.
Que choisir, et surtout pour faire quoi ?
Le choix entre une architecture monolithique ou modulaire dépend avant tout du besoin fonctionnel et des priorités techniques du projet.
La blockchain modulaire : flexibilité et contrôle
L’approche modulaire est idéale pour les applications qui souhaitent conserver une forme de souveraineté sur leur réseau : contrôle de la gouvernance, personnalisation de l’exécution et indépendance dans les choix techniques. C’est le cas de projets comme dYdX ou Base, qui construisent leur propre rollup tout en bénéficiant de la sécurité et de la robustesse d’Ethereum comme couche de consensus. Oui, on parle bien des Layer 2.
Ce modèle est particulièrement pertinent pour des appchains (donc des applications on-chain), des applications aux besoins spécifiques et à fort volume, qui veulent scaler de manière indépendante et sans friction, comme les rollups.
Le modèle monolithique : simplicité et performance
À l’inverse, les blockchains monolithiques comme Solana brillent par leur UX fluide : faible latence, exécution synchrone et absence de bridges complexes. Ce modèle est particulièrement bien adapté aux cas d’usage à fort volume et à forte interactivité, comme les jeux on-chain ou les mints massifs de NFT.
In fine, il n’en restera qu’un ?
Non, absolument pas. Ces blockchains sont complémentaires : comme Bitcoin et Ethereum qui ne répondent pas aux mêmes besoins, les blockchains monolithiques et modulaires non plus.
Sans les blockchains modulaires, nous n’aurions pas la variété d’applications et la décentralisation disponible sur Ethereum. Et sans les blockchains monolithiques, nous n’aurions pas la rapidité et l’efficacité de Solana, qui a apporté toute une tendance à la performance dans l’écosystème blockchain.
Ce qu’il faut garder en tête, c’est ceci :
- Vous voulez aller vite : blockchain monolithique
- Vous voulez de la robustesse et de l’infrastructure : blockchain modulaire
Si l’on se projette un peu, on pourrait même imaginer des “native rollups” sur Solana, qui seraient atomiquement composables, tandis qu’Ethereum développerait des rollups plus synchronisés afin d’améliorer la communication et l’exécution.
